À propos de Je tue les enfants français dans les jardins de Marie NEUSER.
Un livre immonde.
Un narrateur obsédé par la "propreté": chez elle, avec Pierre (un pauvre type dont le métier consiste à ranger des livres sur des étagères, et le soir, pour se détendre de ces travaux harassants, à boire un whisky et fumer une "unique" cigarette, parce que faudrait voir à ne pas en faire un drogué non plus), tout est "propre", et au collège, tout est "sale", y compris la craie qui pourtant n'est pas un fluide corporel mais un outil de travail.
Des personnages caricaturaux et mal finis: la sainte, les médiocres et les "connards" (c'est le mot du livre). Samira la sainte, au visage "bien savonné", qui est gentille et dont l'intelligence est "étincelante" même si elle a 18 ans en troisième alors que les autres élèves du même niveau n'en ont que 15. Les gentils médiocres décrits sur un ton condescendant intolérable, qui n'ont même pas de nom, et dont on sait d'avance qu'ils ne feront rien de leur vie. Et les connards, donc, qui sont le vrai sujet de ce pamphlet politique. Les connards sont grands, costaux, musclés, souvent noirs, agressifs, méchants, insoumis, bons à rien, insolents, indomptables et on finit par les tuer parce qu'il faut bien que quelqu'un se charge de nettoyer le monde de cette vermine -- ces "sculptures en merde bien modelées", l'expression revient trois ou quatre fois.
Au milieu de tout ça, une petite prof. qui était une élève "brillante", qui a été reçue à l'agrégation du premier coup (whaou, c'est super ça ma chérie dis-donc), qui croit qu'autrefois on respectait les enseignants parce qu'à son papa "les filles" offraient un stylo neuf et venaient l'embrasser pour son anniversaire. Pourtant le personnage du prof. dans la littérature française n'a jamais été celui-là. La Guerre des Boutons (1912), Clochemerle (1934), ou même, à défaut de mieux, le Petit Nicolas (1956) mettent en scène des enseignants qui sont des cuistres naïfs et sûrs d'eux, des imbéciles sachants dont le modèle, au fond, est Trissotin (Les Femmes Savantes, 1672).
Donc, cette prof. est agressée par les méchants qu'elle méprise profondément et sur qui elle a des paroles définitives, gonflées de mépris et de narcissisme. Comme personne ne prend sa défense, pauvre petite chose seule, elle décide de prendre en main sa destinée et en tue un de sang-froid, en prenant soin bien entendu de faire accuser quelqu'un d'autre, qui ne sera disculpé que par un alibi providentiel (scrupule de l'auteur de dernière minute?) Et puis voilà, c'est tout. Pas l'ombre d'un remords. L'histoire se termine là-dessus. La prof. d'italien peut enfin vivre sa petite vie nulle, et mettre au monde dans la propreté un petit bébé propre.
La propreté, c'est le contraire de la vie. La propreté est obtenue en déversant du détergent sur tout ce qui vit, pour le tuer. Le sang ne "lessive" pas les souillures (dernière phrase du livre...); le sang est parfois un outil de sacrifice, mais pour que sacrifice il y ait, il faut offrir ce qu'on a de plus précieux. Si l'ennemi est un cafard immonde (une "vermine cradingue"), alors le fait de verser son sang ne lave rien.
Quelle horreur. Les élèves ne sont pas au service des profs pour qu'ils puissent présenter leurs gentilles maquettes en carton et se faire plaisir en se regardant enseigner, dans le miroir de leurs petits rêves. C'est le contraire. Ce livre médiocre, écrit dans un style journalistique plein d'impropriétés et d'adverbes, donne la nausée.
Espérons qu'il n'est pas représentatif de ce que les profs français ont à dire sur leur métier, sur leur vocation et surtout, sur leurs élèves (bien que la lecture d'autres commentaires puisse le laisser craindre).