À propos de En finir avec Eddy Bellegueule d'Édouard Louis.
Oui, l'auteur a du talent, beaucoup de talent. Oui, il y a une énergie, une tension, soutenue. Mais c'est un livre d'écolier. C'est un tissu de mensonges, parfois tellement invraisemblables qu'on décroche. L'enfant, le narrateur, parcourt trente kilomètres par jour pour aller faire du théâtre (on se demande comment il reste du temps pour le théâtre). Plus tard, à la fin du livre, il a les doigts "presque en sang" d'avoir porté une valise. Tout le monde conduit bourré mais personne n'a jamais d'accident. La mère fait une fausse couche dans les toilettes... Le livre est dédié à un prof, pas par hasard: c'est un devoir, qui enfile les poncifs sur la société ouvrière, plus ou moins recopiés de l'Assommoir, avec une envie de choquer qui finit par faire rire, car l'outrance dessert le propos.
Le curieux dans l'histoire est que tous ces personnages, prétendument horribles, sont finalement plus sympathiques que le narrateur, narcissique et méchant. Le père est bourru, mais sympa. La mère fait ce qu'elle peut, elle est sympa. La grande sœur, on la voit moins, mais elle essaie d'aider son petit frère. Elle est sympa. Même les "bullies" du collège, ces deux anges noirs, se transforment en supporters pendant le spectacle de fin d'année.
On a plus envie de rencontrer ces gens, d'aller vivre au milieu d'eux, avec eux, que de tolérer plus longtemps ce chien savant, attentif à qu'on attend de lui (croit-il), et qui ment, qui ment toujours.