Le doute m'assaille

La sortie de mon livre approchant, le doute m'assaille: et si c'était mauvais?

Que ce soit jugé bon ou mauvais, par telle ou telle autorité, tel ou tel lecteur, ou critique, etc. est une autre question. Mon inquiétude est plus fondamentale: et si c'était mauvais, mauvais vraiment?

Talleyrand a dit, et c'est devenu un proverbe:

Quand je me regarde, je me désole
Quand je me compare, je me console

Peut être... Comparons, comparons... mais il s'agit de savoir avec qui.

Il est facile de trouver d'étonnants navets dans la production littéraire actuelle, même chez les plus grandes maisons, même d'auteurs connus. Pour le plaisir du coup de griffe gratuit, et pour ne pas rester dans l'abstrait: Éric Reinhardt par exemple, c'est (à mon avis) mauvais, voire très mauvais. Mais n'en déplaise au diable boiteux, ça ne me console pas. Ça m'énerve, et pas seulement parce qu'il est chez Gallimard et moi pas. Ça m'énerve parce que l'art raté rend triste, qu'il nous fait perdre notre temps.

Ensuite, dès qu'on sort des contemporains et qu'on retourne vers les maîtres (et pas forcément les plus grands): aïe. Effet inverse. Je rouvre Colette, son premier livre publié (sous un nom d'emprunt), un livre de commande, écrit quand elle avait 21 ou 22 ans: Claudine à l'école... Quelle claque! Quelle langue! Fraîche, nerveuse, amusée, piquante. Quel esprit! Espiègle, joueur, effronté, libre. Quelle maîtrise de la situation, des personnages, des lieux. Un fucking chef d'oeuvre. Donc bon, c'est peut-être pas une super idée de se comparer à Colette.

C'est peut-être pas une super idée de se comparer tout court. Mais le doute, du coup, demeure.

PS: un compte Twitter, AdviceToWriters publie des réflexions d'écrivains à propos de leur métier. Deux citations récentes:

Philip Roth, pas très encourageant:

Really, it’s an awful field. Just torture. Awful. You write and write, and you have to throw almost all of it away because it’s not any good. I would say just stop now. You don’t want to do this to yourself.

et Callie Khouri, plus consolante:

The world will provide you with every imaginable obstacle, but the one most difficult to overcome will be the lack of faith in yourself. Leave it to others to have doubts about you.

Merci, Callie. Mais c'est plus facile à dire qu'à faire.